La liberté religieuse au travail : droits, limites et responsabilités
- Maître VERONE
- 1 juin
- 3 min de lecture
En entreprise, la question de la liberté religieuse peut soulever des interrogations complexes, notamment lorsqu’il s’agit de concilier la liberté de conscience du salarié avec les impératifs de fonctionnement, de sécurité ou d’image de l’employeur. Si la liberté religieuse est protégée par la loi, elle peut faire l’objet de restrictions encadrées, sous conditions strictes.
Un principe fondamental encadré par la loi
La liberté religieuse est un droit fondamental reconnu à chaque salarié. Elle est protégée par l’article L1121-1 du Code du travail, qui prévoit que :
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Ce principe signifie que l’entreprise ne peut pas interdire de manière générale et absolue l’expression religieuse de ses salariés, sauf à démontrer qu’une telle restriction est :
justifiée par la nature des missions confiées, et
strictement proportionnée au but recherché (sécurité, bon fonctionnement du service, neutralité de l’image de l’entreprise, etc.).
Que peut interdire l’entreprise ?
Une entreprise peut, sous certaines conditions, encadrer l’expression religieuse de ses salariés, notamment à travers le règlement intérieur, en insérant une clause de neutralité. Cette clause peut interdire le port de tout signe visible de conviction religieuse, philosophique ou politique sur le lieu de travail.
Mais cette clause :
Ne peut pas être générale : elle doit viser des fonctions ou contextes précis, comme les postes en contact direct avec le public ;
Doit être objectivement justifiée par l’activité exercée ;
Doit être proportionnée, c’est-à-dire ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but recherché (par exemple : sécurité, image, respect du principe de neutralité dans un service public délégué...).
Exemples concrets :
Une entreprise peut interdire le port de signes religieux à ses salariés en contact avec la clientèle afin de préserver une image de neutralité.
Dans une usine, l’obligation de porter une tenue de sécurité peut justifier l’interdiction de certains vêtements ou accessoires à caractère religieux si ces derniers présentent un risque (ex. : voile long incompatible avec le port du casque).
En revanche, une interdiction généralisée et non motivée du port de signes religieux pour tous les salariés, y compris ceux sans contact externe, serait considérée comme discriminatoire.
Le prosélytisme religieux et les limites de l’expression
L’expression religieuse au travail est permise tant qu’elle ne trouble pas le bon fonctionnement de l’entreprise. Le salarié peut évoquer ses convictions, mais ne peut pas :
Faire de prosélytisme actif ou insistant ;
Chercher à imposer ses croyances à ses collègues ;
Déranger l’organisation ou la sécurité de l’entreprise.
Important : Le simple port d’un signe religieux (comme un foulard, une croix ou une kippa) ne constitue pas en soi un acte de prosélytisme ni une provocation, et ne peut donc être interdit sans justification spécifique.
Sanctions possibles en cas de manquement
Si un salarié ne respecte pas une clause de neutralité licitement établie dans le règlement intérieur, l’employeur peut engager une procédure disciplinaire. Toutefois, cette sanction ne doit jamais être fondée sur des critères discriminatoires.
Par exemple :
Il est interdit de sanctionner un salarié simplement parce qu’un client a exprimé son désaccord face à son apparence religieuse, sauf si cela nuit directement aux intérêts commerciaux objectivement établis de l’entreprise.
Une sanction peut être envisagée si le salarié refuse un aménagement nécessaire (port d’un équipement de sécurité, par exemple) en invoquant des motifs religieux.




Commentaires